Le mode majeur

Une gamme bien connue

Intéressons nous à la gamme qui répond à la description suivante :

  • formée par les notes naturelles
  • dans laquelle nous envisagerons (pour cette fois) la note C comme tonique.

La voici, avec une analyse des intervalles formés entre ses notes conjointes.

Ce qu’on constate avec cette gamme :

  • Elle possède 7 notes (Le C aigü n’est que la répétition de la tonique, on ne le compte pas)
  • Sa chaîne d’intervalles à partir de la tonique, calculés en demi-tons , est la suivante : 2-2-1-2-2-2-1
    (où 2 = ton, et 1 = demi-ton)

Ces deux éléments donnent un mode qu’on pourrait transposer, c’est à dire appliquer à autre tonique comme par exemple la tonique Db :

Le mode majeur

Ce mode, défini par 7 degrés et par la chaîne d’intervalles 2-2-1-2-2-2-1 (en méthode de description linéaire) s’appelle le mode majeur.

  • S’il est appliqué à la note C choisie comme tonique, il donne la gamme de C majeur :
    C D E F G A B
  • S’il est appliqué à la note Db, choisie comme tonique, il donne la gamme de Db majeur :
    Db Eb F Gb Ab Bb C

Remarque : le mode majeur possède aussi un deuxième nom, qui est plus ancien, et que peu de musiciens utilisent aujourd’hui, le mode ionien.

Mode majeur : représentation linéaire et radiale des intervalles

Tonalités

Dans la gamme de C majeur que nous avons observée plus haut, nous avons précisé que la note C en était la tonique, c’est à dire le degré I. On parle alors de la tonalité de C majeur.

« Tonalité de C majeur » signifie :

  1. Qu’on utilise le mode majeur
  2. Appliqué à la note C considérée comme tonique

On entends parfois des musiciens demander « dans quelle gamme joues-tu ? ».
La réponse à cette question peut avoir trois niveaux d’information :

  1. L’ensemble des notes utilisées : c’est le sens littéral de « gamme », et donc de la question
  2. Parmi ces notes, celle qui est la tonique
  3. Le mode utilisé

En général, on répond à cette question en donnant l’information de la tonalité, ce qui transmet les 3 informations.

Remarques :

  • Pour simplifier, on dit d’une oeuvre musicale qu’elle est « en X majeur » plutôt que « dans la tonalité de X majeur » (« X » représente ici la tonique qu’il s’agit de nommer avec le mode).
  • Le mot « ton » : quand on dit « dans quel ton est ce morceau ? » le mot « ton »est totalement synonyme de « tonalité », dans ce contexte, ce qui peut être trompeur.
  • En anglais : Key signifie tonalité

Confusion gamme / tonalité

Énumérer les notes d’une gamme ne suffit pas à donner l’information d’une tonalité si la tonique n’est pas précisée avec la gamme.

Par exemple, dire « j’utilise la gamme C-D-E-F-G-A-B-C » ne donne pas l’information de la tonalité. Car même si on énumère ces notes en commençant par C, cela ne dit pas si C est bien réellement la tonique.

En l’occurrence, nous verrons dans la page « Les modes diatoniques » que cette gamme pourrait correspondre

  • Si c’est A qui est la tonique : à la tonalité de A mineur
  • Si c’est D qui est la tonique : à la tonalité de D dorien
  • Si c’est G qui est la tonique : à la tonalité de G Mixolydien
  • etc.

Chacune de ces tonalités emploient la même gamme (les mêmes 7 notes), mais pas la même tonique, ni le même mode.
Nous étudierons tous ces modes progressivement au fil de ces pages.

La note sensible

Contrairement à une idée reçue répandue, le mode majeur n’a pas du tout été immédiatement évident pour les oreilles médiévales.

Un peu de contexte historique...

Bien que la gamme de C majeur soit aujourd’hui le repère instinctif de l’oreille occidentale, le mode majeur (alors appelé “ionien”) ne s’est imposé qu’à partir de la Renaissance tardive, c’est-à-dire au milieu du XVIᵉ siècle et il ne s’affirme pleinement qu’à l’époque Baroque (1600 – 1750).

Pendant de nombreux siècles, les musiciens occidentaux utilisaient d’autres organisations modales, héritées du système établi entre les VIIIᵉ et IXᵉ siècles dans le cadre du chant liturgique. Ces modes sont appelés aujourd’hui “modes grégoriens”.
Le nom vient de la tradition médiévale qui associait le chant liturgique à la figure du pape Grégoire, mais il s’agit d’une attribution symbolique : le système réellement en usage est le résultat d’un travail théorique mené par les lettrés carolingiens plusieurs siècles après Grégoire Ier.

Dans la majorité des modes usuels du moyen âge, le degré conjoint situé sous la tonique se trouvait un ton en dessous de celle-ci, comme par exemple dans le mode dorien ou dans le mode phrygien.

Mode Dorien, ci-dessous appliqué à la tonique D

Mode Phrygien, ci-dessous appliqué à la tonique E

Dans le mode majeur, le degré VII est situé à un demi-ton de la tonique.

Même si cela est subjectif, il a rapidement été ressenti que cet écart de demi-ton lui conférait un caractère très “magnétique” vis à vis de la tonique. En d’autres termes, la présence de cette note n°VII dans les mélodies ou dans les accords semblait appeler à un mouvement mélodique vers la tonique lors de la note suivante, comme pour résoudre une forme de tension. C’est de ce phénomène sensoriel qu’est venu l’expression “note sensible”.

Une expérience simple pour comprendre le magnétisme de la note sensible vers la tonique :

Chantez ou jouez les notes C – D – E – F – G – A – B en partant de C et et arrêtez-vous sur la note B.
En faisant cela, il est très probable que votre oreille identifie la note C comme la tonique. Vous avez donc la sensation de chanter ou de jouer la gamme de C majeur. En vous arrêtant sur B, sa note sensible, vous percevrez sans doute que jouer ou chanter la note C immédiatement après apaise l’énergie ou la légère excitation créée par la note sensible (note B)

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