Moyen-âge et Renaissance

Histoire de la musique occidentale : Moyen-âge et Renaissance

La musique savante nait au moyen âge, dans les monastères. Pendant très longtemps, l’une des fonctions de ces lieux est la préservation et la transmission des savoirs consignés dans de précieux livres. Concernant la musique, les écrits de Pythagore et ceux de Boèce (plus de 1000 ans les séparent), sont alors des sujets courants d’études. Avec la musique savante, comme avec l’ensemble des domaines de la connaissance, les moines du moyen-âge assimilent et prolongent l’héritage des penseurs de l’antiquité.

La réflexion théorique est cruciale dans cette culture monacale. Jusqu’au XVe siècle (début de la période Renaissance), la musique est un terrain d’exploration qui voit autant s’exprimer les théories sur sa construction que la création artistique concrète. Ces conceptions théoriques sont élaborées dans un contexte très religieux. Elles ont pour quête l’explication ou la démonstration de « l’harmonie du monde ». La création musicale ne sert pas l’expression artistique personnelle mais elle est entièrement vouée à la représentation de la perfection divine. Bien entendu, cet objectif implique son lot d’interdictions pour le compositeur. L’une des valeurs clés est l’équilibre observé dans les proportions simples, calculées de façon mathématique. On retrouve alors celles-ci dans les intervalles qui organisent les gammes occidentales.

Sur l’impulsion du pape Grégoire, au VIe siècle, des chants avaient été collectés parmi différentes souches culturelles, notamment romaine, gallicane et hébraïque. L’objectif était de créer un nouveau socle culturel unificateur du monde chrétien.

Cette pratique a influencé la naissance du plain chant, dont la version la plus connue est le chant grégorien. Celui-ci est monodique. C’est-à-dire qu’il  fait entendre une ligne mélodique unique, à laquelle aucun autre mouvement mélodique ne vient se superposer. Et, pendant plusieurs siècles, il est chanté a cappella, c’est-à-dire sans aucun accompagnement instrumental.

Jusqu’au XVIe siècle, une grande part de la musique savante est sacrée (dédiée à au culte religieux) et demeure essentiellement vocale. À partir du XIe siècle, elle développe la polyphonie, c’est-à-dire la combinaison de plusieurs voix mélodiques superposées. Cette forme devient alors celle que la musique savante privilégie. Durant ce siècle, la musique savante commence à intégrer doucement les instruments. Mais c’est d’abord pour leur faire assurer un bourdon (note tenue sans variation de hauteur). Puis les instruments sont utilisés pour imiter les ensembles vocaux. On ne cherche alors pas encore à tirer pleinement parti de leurs sonorités.

La transmission des œuvres musicales de culture savante se fait grâce à la notation écrite. Les membres de la Noblesse ont un accès privilégié à ce répertoire musical, comme à tous les savoirs détenus par l’église. C’est moins le cas de la paysannerie, qui, toutefois, a l’occasion d’écouter la musique savante lors du culte religieux, à l’église, ou bien, pour certains, en allant suivre les enseignements dispensés dans les monastères.

Dans une autre sphère de la société, pour la plupart des paysans, des ouvriers et des artisans, la musique est différente. Sa vocation est essentiellement d’animer les fêtes, les banquets, et autres événements du quotidien.  Cette musique populaire et profane est faite soit de chansons, abordant des thèmes proches des préoccupations quotidiennes du peuple, soit d’œuvres purement instrumentales. Elle est généralement monodique et homophonique : la mélodie, dont le dessin est parfois ciselé, est jouée par plusieurs instruments à l’unisson ou à l’octave (parfois à la quinte parallèle), et les autres parties instrumentales qui l’accompagnent assurent soit un bourdon soit l’animation rythmique. Cet accompagnement peut faire intervenir divers instruments à vent, de percussion, et parfois quelques vièles (ancêtre du violon). Souvent on y retrouve l’influence des cultures musicales orientales ou celtiques.

Dans cette pratique populaire, on s’intéresse peu à la théorisation de la construction musicale et aux compositeurs, qui restent souvent anonymes. Certaines mélodies et rythmes deviennent des traditionnels et sont alors transmis de façon orale. Pour cette raison, nous disposons de peu de traces écrites anciennes de cette musique dont l’origine est, déjà à l’époque, millénaire.

La musique populaire plaît aussi aux nobles qui la font jouer lors de leurs festivités. Ainsi, les deux cultures, savante et populaire, ont des opportunités de se rencontrer, et leurs musiques de s‘influencer l’une l’autre.

Et c’est bien ce qui se produit entre le XIe et le XIVe siècle lorsqu’apparait une forme musicale particulière : la chanson de troubadour (ou de « trouvère » car la dénomination est différente entre le sud et le nord de la France). Le troubadour est issu de la noblesse ou, a minima, il est instruit. Son art réside dans le fait de composer des poèmes et les mélodies pour les chanter. Ce sont plutôt les ménestrels ou les jongleurs qui les interprètent ensuite. Le plus couramment, les textes abordent l’amour, la satire, les faits de chevalerie, ou bien leurs vers et leur musique stimulent la danse.

L’art musical du troubadour diffère de la chanson populaire par le contenu de ses textes et aussi par l’écriture polyphonique qu’il intègre et qui provient de la musique savante. Nous connaissons aujourd’hui les noms et les travaux de nombreux troubadours grâce au fait que leur rang social élevé en a permis une meilleure préservation.

La musique savante est pensée comme une architecture du sonore.

Au moyen-âge et aussi lors de la période de la Renaissance, le moteur principal de cette construction est l’harmonie. En matière de musique, l’harmonie consiste notamment à apprécier les ensembles formés par des sons de différentes hauteurs, chantés ou joués simultanément (ou consécutivement). Les groupes constitués de différentes notes simultanées sont classés selon le critère de la consonance et de la dissonance. La consonance est obtenue lorsque plusieurs sons forment un ensemble harmonieux. La dissonance génère quant à elle une tension harmonique qui, à cette époque, appelle nécessairement une résolution vers un ensemble consonant. L’appréciation de la dissonance n’est pas binaire mais graduelle.

Bien entendu, la notion de consonance et de dissonance, telle que décrite précédemment, est subjective. Elle a d’ailleurs évolué au fil des siècles de l’Histoire de la musique occidentale. Mais au moyen-âge, et dans la musique savante, elle s’inscrit dans une vision très dogmatique, au service de la ferveur religieuse. Le compositeur formé dans cette culture se risque peu à enfreindre les usages qui lui sont transmis comme s’ils étaient des lois divines.

Jusqu’à la première moitié de la renaissance incluse, la musique savante développe la technique du contrepoint. Il s’agit de composer des mélodies qu’on superpose, et qui sont à « valeurs égales ». C’est-à-dire, aucune d’elle n’est « maîtresse » (ou « lead »). Ou bien, chacune l’est à tour de rôle.

L’harmonie se transforme lentement et de façon erratique. Il faut attendre le milieu du XVIe siècle pour que des musiciens envisagent d’étendre le concept de consonnance / dissonance à des groupes de trois notes jouées simultanément. Jusqu’alors on ne considérait les notes que par deux. À cause de cette lacune, les traités théoriques étaient d’ailleurs bien épais pour tenter d’expliquer comment construire des polyphonies à trois voix ou plus.

Cette nouvelle forme d’observation qui apprécie les notes par groupes de trois, fait donc naître le concept d’accord.  Elle est influencée par les Anglais qui, au XVe siècle, ont fait de l’intervalle de tierce une consonance dans leur musique. Jusqu’alors, seules l’octave et la quinte étaient considérées comme consonantes. L’accord parfait est donc né. Il est constitué d’une note fondamentale, d’une tierce mineure ou majeure, et d’une quinte juste. Et cette nouvelle façon d’écouter et d’analyser la musique, avec des accords, va considérablement changer la façon de la construire.

L’harmonie va progressivement se détacher de l’écriture contrapuntique pour développer la forme du chant choral. Dans cette forme, les mélodies superposées sont assez linéaires, privilégiant la recherche de l’harmonie. Celle-ci est produite par la rencontre entre les notes des différentes mélodies, chantées ou jouées simultanément. Peu animé rythmiquement le chant choral fait entendre des successions d’accords plaqués avec quelques mouvements intermédiaires. On dit de cette forme d’écriture musicale qu’elle est verticale. Par opposition, les formes polyphoniques contrapuntiques privilégient une conception musicale dite horizontale.

D’autre part, au cours de la renaissance, l’harmonie va évoluer vers la mise en place progressive du système tonal. Ce dernier est encore de nos jours l’un des systèmes harmoniques les plus utilisés dans la musique occidentale. Il prend appui sur le cycle des quintes en les hiérarchisant.
Les cadences, qui sont des formules de progressions d’accords pour ponctuer les phrases musicales, favorisent désormais systématiquement les degrés forts : la tonique, ou degré I, et ses deux quintes voisines, les degrés IV et V.  Sur ce point,  le système tonal s’oppose à la musique modale (plus ancienne), qui n’exploite pas ce principe.
Dans la musique de la renaissance, il est fréquent de voir apparaître, au cours d’une phrase musicale, des notes étrangères à la tonalité. Celles-ci font l’effet d’un écartement tonal momentané, nommé emprunt (les notes altérées sont empruntées à une autre tonalité). Les compositeurs baroques considèrent désormais cette pratique comme un archaïsme. Le système tonal vise justement à renforcer la sensation de tonalité.

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